Château de la Grille - 1982

Bon, ça y est, je suis définitivement réconcilié avec les cabernets francs ligériens... Après être tombé sur le cul en buvant le Clos Nouveau du Domaine du Bel-Air (je me suis pas encore vraiment relevé), c'est ici dans un autre registre que j'ai succombé: après la claque, l'émotion. Ce vin, sans être grand, m'a touché à l'affect et m'a permis d'entrevoir un horizon nouveau, celui des vieux cabernets francs de la Loire... Je suis depuis à la recherche compulsive de Chinon, Bourgueil et Saumur Champigny des années 70 à 90. Un nouveau monde vient de s'ouvrir à moi... Comme quoi, avec le goût comme avec le reste, il ne faut jamais se faire d'avis définitifs!

Bon déjà la bouteille est splendide et porte bien son nom rabelaisien de Dive Bouteille. Ca met tout de suite dans de bonnes conditions et ça en impose sur la table. La bouteille est lourde mais le col très étroit ce qui donne une impression (fausse certainement) de fragilité et force à manipuler tout ça avec moultes précautions... On en sort d'ailleurs un bouchon tout fin, comme je n'en n'avais encore jamais vu. Je ne sais pas d'ailleurs si l'étroitesse du bouchon peut avoir une influence sur la conservation du vin: le bouchon est peut-être plus fragile mais la surface d'ouverture et de contact avec l'air plus petite... Bref, j'en sais rien.


 



Je trouve que la forme de la bouteille sied bien au vin qu'elle contient, vin qui oscille entre la sagesse et la rondeur de l'âge et la tension, la verdeur de l'innocence. 



La robe est d'un beau rouge rubis, limpide et brillante, présentant dans le disque des nuances terre de feu pas encore tout à fait orangées.

Le nez se présente d'office dans un registre tertiaire assez classique qui m'évoque tout de suite Bordeaux. On y trouve ce coté humus, légèrement toasté, une pointe vanillée et un peu de fève de cacao torréfiée. Mais tout ça est fin, harmonieux, équilibré. Chaque chose est parfaitement à sa place. Certains trouveraient que ça manque de reliefs ou de profondeur, mais moi j'aime ce côté rassurant, confortable. Je n'y trouve aucune note variétale. J'ai le sentiment d'être en terrain connu, je ne me focalise plus sur mes perceptions olfactives, je ne cherche plus à analyser ou identifier des arômes. Je me détends... Je viens de retrouver avec ce vin un vieil ami et je suis en bonne compagnie...

La bouche sonne comme une évidence après le nez. Là encore, c'est d'un classique réconfortant. La matière est souple, fine, harmonieuse, supportant délicatement une trame aromatique tertiaire sans lourdeur ni excès. Il n'y a que sur la finale que je suis sorti de ma plaisante routine. Je remarque quelque chose que je n'avais jamais vu auparavant sur le visage de ce vieil ami. La finale est assez fraîche, sur la finesse, mais au lieu de me laisser en bouche une impression de fruit délicat ou de fleur séchée, c'est une note végétale, un trait vert qui conclut la gorgée. Effectivement, nous ne sommes pas à Bordeaux. Cette marque doit être celle du cabernet franc et devait jadis ressemblait à du poivron vert. Là, elle est plaisante et rajoute un côté herbacé qui apporte un peu de tension au vin. Le vieillard vient de poser sa canne et se met à danser au milieu du salon. C'est bon!

Commentaire général: Très bon. C'est une découverte pour moi. Un vin de contraste entre un registre tertiaire classique du Bordelais et une finale végétale et herbacée. Je suis sûr qu'il y a des résonances sublimes à faire en cuisine, notamment avec les aromatiques. Je vais y réfléchir sérieusement... Qu'il est plaisant de découvrir de nouvelles terres à défricher!




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